La Mercedes-Benz 300 SL W198 est une voiture de sport légendaire issue des programmes sportifs relancés par la marque à l’étoile au début des années 50. Commercialisée de 1954 à 1963, elle est dérivée de la voiture de course W194 et devient un véhicule de route unique reconnaissable à sa silhouette singulière et à ses désormais iconiques portes papillon. Cette voiture à la silhouette et la beauté exceptionnelles a marqué son époque et l’histoire de l’automobile.
I. Contexte historique
a) Le retour de Mercedes-Benz en compétition
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est en ruines, les usines de production sont détruites et la population vit dans une grande précarité. L’industrie automobile allemande doit se reconstruire et innover pour relancer l’économie du pays. C’est dans ce contexte que Mercedes-Benz conçoit la 300 SL W198.
En 1951, la marque à l’étoile prend la décision de revenir à la compétition automobile dans la catégorie « Sport » avec la Mercedes-Benz W194 qui porte déjà le nom de 300 SL et dispose aussi de portes papillon.
Le moteur M188 provenant du coupé 300 S est optimisé afin d’atteindre des performances dignes de la compétition. Encore équipé de carburateurs, il ne développe qu’une puissance de 175 cv.
Ce n’est donc pas par sa mécanique, ni par ses trains roulants classiques réalisés en acier que la voiture va se démarquer.
En revanche, le châssis et la carrosserie sont au cœur de toutes les préoccupations. Le châssis très rigide dessiné par Rudolf Uhlenhaut est un assemblage de tubes légers qui ne pèse que 50 kilos afin de compenser le poids important du bloc moteur en fonte. Grâce à cette conception de châssis tubulaire, la carrosserie est à la fois aérodynamique et légère.
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Dès 1952, la W194 affronte des marques aux véhicules nettement plus puissants. Pour autant, à leur première participation au « Mille Miglia » le 4 mai 1952, les W194 engagées obtiennent la 2ème et la 4ème place. Le 18 mai 1952, les W194 occupent les 3 places du podium au Grand Prix de Berne. En novembre 1952, la 300 SL s’impose à nouveau avec Karl Kling et Hans Klenk dans la « Carrera Panamericana » au Mexique. Mercedes-Benz s’appuie alors très largement sur son expérience en Formule 1 d’avant-guerre. Enfin, en juin 1954, les W194 finissent aux deux premières places de la mythique course d’endurance des « 24 heures du Mans » avec Herman Lang et Fritz Riess.
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b) L’arrivée de la 300 SL W198
Non initialement planifiée, la production en série de la 300 SL est initiée après que Max Hoffman, un importateur américain multi-marque, ait exprimé son désir de proposer une version routière de la W194 à ses clients. La W194 de 1952, connue aux États-Unis pour sa victoire dans la Carrera Panamericana, sert alors de base au projet. Après de longues discussions et la commande ferme de 1000 véhicules par Max Hoffman, Mercedes-Benz décide de transformer sa fabuleuse 300 SL W194 de course en une GT luxueuse adaptée à un usage routier. Elle est alors déclinée selon deux versions : le 300 SL type W198 et un roadster plus petit et « populaire »appelé Mercedes-Benz 190 SL type W121 B II.
Quelques mois seulement après la décision du directoire de la marque à l’étoile, les deux voitures de sport sont présentées le 6 février 1954 à l’International Motor Sports Show de New York. La 300 SL W198 est alors considérée comme l’une des voitures les plus avancées technologiquement et esthétiquement.
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II. Les différentes carrosseries de la 300 SL W198
La 300 SL W198, développée par Freidrich Geiger et Karl Wilfert, permet à Mercedes-Benz de renouer avec la tradition des coupés sportifs. Sa conception est rapide -un peu plus d’un an- non pas à partir d’une feuille blanche mais à partir des éléments de la W194.
a) La 300 SL W198 I (1954-1957)
La 300 SL W198 I est équipée du moteur M198, un 6 cylindres en ligne de 2996 cm3 développant 215 cv, soit presque le double des moteurs 6 cylindres 3 litres de l’époque. Il bénéficie d’une injection directe Bosch, une technologie avancée et nouvelle pour les véhicules de route à l’époque. La W198 est ainsi la première Mercedes-Benz de route équipée de cette technologie. Le moteur est couplé à une boîte de vitesse manuelle à quatre rapports.
La voiture est également dotée d’une suspension indépendante à l’avant et à l’arrière. La 300 SL dispose enfin de freins à tambour de 26 centimètres de diamètre, équipés d’ailettes de refroidissement, ainsi que d’un servofrein utilisé pour la première fois dans la conception automobile.
L’installation des fameuses portes papillon héritées de la W194, aussi appelées « Gullwing » (ailes de mouettes) dans les pays anglophones, est permise par le châssis tubulaire qui assure la rigidité du véhicule et par un seuil de porte élevé qui ne facilite cependant pas l’accès au cockpit de la 300 SL… Il est en effet nécessaire de s’assoir sur le seuil de porte avant de se glisser au volant du bolide ! Fort heureusement, le volant s’abaisse à 90 degrés afin de faciliter l’installation du conducteur.
Le sigle SL, qui provient de l’allemand « Sport Leicht » (Sport Léger) sera pérennisé par la marque. Il est encore usité de nos jours.
La voiture et sa structure sont essentiellement en acier mais le capot, les portes et le coffre sont construits en aluminium. En option, il est cependant possible de commander une carrosserie entièrement en aluminium, allégeant la voiture de 130 kg, mais augmentant considérablement le prix ! Au final, la voiture, prête à rouler, y compris la roue de secours, les outils et le carburant, pèse 1295 kg. Le centre de gravité du véhicule est presque exactement au milieu du véhicule.
Seuls 29 exemplaires de ce type « Tout aluminium » ont été produits : 26 en 1955 et 3 en 1956. Cela en fait l’une des voitures de collection les plus chères de l’histoire.
Côté design, la 300 SL W198 est révolutionnaire pour l’époque, notamment grâce à ses portes papillon qui s’ouvrent vers le haut, et ses lignes élégantes, fluides et aérodynamiques. Elle est également dotée de phares ronds intégrés aux ailes avants et d’une grille de calandre spécifique ornée de l’emblème de Mercedes-Benz, une étoile à trois branches qui symbolise les trois modes de transport : terrestre, maritime et aérien.
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Son long capot avant sculpté d’un double bosselage, d’ailerons au niveau des passages de roues avants et arrières et d’aérations à ailettes horizontales sur les ailes avants renforcent le côté sportif de la voiture.
Cette voiture établit ainsi un nouveau standard de design pour les voitures de sport et a inspiré de nombreux modèles qui ont suivi.
L’intérieur de la 300 SL W198 est également remarquable. Il n’y a certes pas de bois nobles -afin d’alléger la voiture- mais les sièges sont en cuir, offrant un confort supérieur aux passagers. Les panneaux de porte et le tableau de bord sont également recouverts de cuir, créant une ambiance chic et sportive dans l’habitacle.
Sur le tableau de bord, le compte-tours se situe à gauche tandis que le compteur de vitesse se trouve à droite. Juste en dessous de ces instruments se trouvent des thermomètres pour l’huile et l’eau, des indicateurs de la pression d’huile et du niveau de carburant. L’horloge est quant à elle placée au centre du tableau de bord, tout comme le rétroviseur intérieur qui est fixé sur le tableau de bord.
La production de série débute à l’usine de Sindelfingen en août 1954. Bien que la version exposée au Motor Sports Show de New York ait servi de base, quelques modifications mineures sont apportées pour la production en série. Les portes sont équipées de petites fenêtres triangulaires pour assurer la ventilation et les serrures sont modifiées. Le volant à trois branches est remplacé par un volant à deux branches. Certains boutons de commande du tableau de bord sont repositionnés et des leviers de commande pour le chauffage et la ventilation sont ajoutés.
L’habitacle de la voiture, insuffisamment refroidi par la ventilation, chauffant considérablement en été, la 300 SL se dote d’une « ventilation supplémentaire d’été » avec une trappe d’entrée d’air frais devant le pare-brise, en plus des fenêtres d’aération triangulaires. Par ailleurs, les vitres latérales ne sont pas glissantes mais amovibles et peuvent être rangées dans des aumônières situées à l’arrière des sièges.
Sur les 1400 Gullwings construits, la majorité, soit environ 1 100, sont vendus aux États-Unis. La voiture est avant tout destinée à une clientèle fortunée. Le prix de vente de la 300 SL est fixé à 29 000 DM, équivalant, en 1954, au prix d’une maison familiale ! A titre de comparaison, une berline de luxe Mercedes-Benz 200 W180 à moteur six cylindres en ligne est disponible au même moment pour environ 12 500 DM. Le 190 SL Roadster présenté en même temps que le 300 SL coûte quant à lui 16 500 DM.
b) La 300 SL W198 II (1957-1963)
Au salon de l’automobile de Genève de mars 1957, quelques semaines avant l’arrêt de la production du coupé papillon, Mercedes-Benz présente le 300 SL Roadster sollicité par Max Hoffman pour contenter le marché américain désireux de rouler cheveux au vent. Techniquement, le 300 SL Roadster reprend largement les lignes du coupé, mais en renforçant les parties latérales du châssis tubulaire afin de compenser l’absence de toit. La hauteur d’entrée peut ainsi être réduite et des portes classiques peuvent être installées.
La suspension arrière est notablement améliorée. Le Roadster est également équipé d’un 6 cylindres en ligne de 2996 cm3 développant 215 cv.
À partir d’octobre 1958, un hard-top dessiné par Paul Bracq est disponible en option au prix de 1 500 DM. La large lunette arrière et le design stylistiquement réussi du hard-top sont remarquables.
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Parmi les modifications techniques successivement apportées, deux sont particulièrement importantes : en mars 1961, la 300 SL reçoit des freins à disque sur les quatre roues, et à partir de mars 1962 un bloc moteur de 222 cv (M198 III) modifié avec un alliage léger est installé.
Esthétiquement, la nouvelle 300 SL se démarque par sa calandre modifiée, mais surtout grâce à l’ajout de phares ovales verticaux (dits « Lichtenheiten ») qui deviendront emblématiques sur de nombreux modèles Mercedes-Benz tels que la SL W113 Pagode.
Le volume du coffre est augmenté grâce à la roue de secours installée sous le châssis. Le coffre peut ainsi accueillir des valises disponibles sur mesure en option.
1858 exemplaires du 300 SL Roadster seront fabriqués entre 1957 et 1963.
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c) Deux modèles dérivés de la W198 : la 300 SLR « Uhlenhaut » et la 300 SLS
300 SLR « Uhlenhaut »
La 300 SLR « Uhlenhaut » est une version dérivée de la 300 SL papillon, produite en 1955 à seulement deux exemplaires. Elle prend le nom de son concepteur en chef, Rudolf Uhlenhaut, qui utilisait ce bolide de 310 cv pour se rendre quotidiennement à son bureau. Avec une vitesse de pointe de 284 km/h, nul doute que le trajet domicile-travail était rapide ! Elle est équipée du moteur 8 cylindres en ligne de 3 litres de la Mercedes-Benz W196 qui sera utilisé sur la 300 SLR participant aux « 24 heures du Mans ».
Un des deux exemplaires a été vendu 135 millions d’euros en 2022, ce qui en fait la voiture la plus chère de toute l’histoire automobile. L’autre exemplaire de la 300 SLR « Uhlenhaut » est exposé au musée Mercedes-Benz de Stuttgart.
La 300 SLS
La 300 SLS est une version spéciale de la 300 SL Roadster dont deux exemplaires ont été construits pour participer au championnat américain des voitures de sport. Les deux 300 SLS ont été construites pour promouvoir les ventes du 300 SL Roadster au moment de sa commercialisation sur le continent américain. Produits en 1957 pour participer aux courses de la SCCA (Sports Car Club of America), ces exemplaires sont spécialement préparés en Allemagne. Ils s’appuient sur les caractéristiques des anciens modèles de compétition : une carrosserie en alliage léger, un pare-brise remplacé par un saute-vent et un moteur de 240 cv pouvant atteindre une vitesse maximale de 270 km/h. La voiture pèse 337 kilos de moins que le roadster de route.
Extérieurement, la 300 SLS se reconnaît par l’absence de pare-chocs, une ouverture de cockpit de forme spéciale et par l’arceau de sécurité derrière le siège du conducteur. Le travail mené au sein du département d’essais de Mercedes-Benz porte ses fruits : les 300 SLS sont engagées dans 22 compétitions et se classent dans les premiers dans 18 d’entre elles devant des marques de renom (Ferrari, Maserati, Aston Martin…). En 1957, Paul O’Shea remporte le championnat dans la catégorie Classe D de la SCCA devant Carroll Shelby.
III. Les caractéristiques techniques
IV. La 300 SL W198 en compétition
La 300 SL W198 a connu de nombreux succès en compétition automobile. Parmi les plus importantes victoires :
V. Les personnalités connues ayant possédé un 300 SL W198
La production de la 300 SL s’achève le même jour que celle de la 190 SL, le 8 février 1963 à Sindelfingen. Malgré son prix élevé, la 300 SL a connu un succès commercial et a attiré l’attention des célébrités et des personnalités importantes. Elle est devenue le symbole de la réussite et du raffinement, et est très recherchée par les collectionneurs d’automobiles fortunés. Les modèles originaux bien conservés peuvent atteindre des prix extrêmement élevés lors des ventes aux enchères, pouvant dépasser plusieurs millions d’euros. Sa remplaçante, la SL W113 dite Pagode sera produite entre 1963 et 1971. Une autre histoire…
Bonjour alain ,félicitations un article trés bien documenté,a lire pendant ce wk .
Quel article 😃 très documenté et quelle magnifique voiture
Merci Alain
Merci Alain pour ce bel article ! J'aimerai avoir cette belle auto dans mon garage, il va falloir que je gagne au loto.
A la relecture, je confirme que ce modèle est le graal…
Bravo Alain pour cette belle synthèse qui elle aussi deviendra iconique
Merci Alain, quelle belle auto, le rêve de tout amoureux de la marque.