L’histoire de Mercedes-Benz commence au XIXe siècle, à une époque marquée par la révolution industrielle et des avancées dans le domaine des machines à vapeur. L’automobile, alors encore réduite à une idée balbutiante, se profile comme une innovation capable de métamorphoser les modes de transport et de travail. Cette aventure industrielle est avant tout celle de deux hommes – Carl Benz et Gottlieb Daimler – dont les inventions vont révolutionner la mobilité mondiale et donner naissance à une marque qui incarne aujourd’hui encore l’excellence et l’innovation.
Carl Benz : l’inventeur de la première automobile
Carl Friedrich Michael Benz, né le 25 novembre 1844 à Mühlburg, près de Karlsruhe, est une figure fondatrice dans l’histoire de l’automobile. Son père, un des premiers conducteurs de locomotive des chemins de fer d’État du pays de Bade, décède alors que Carl n’a que deux ans. Malgré ses revenus modestes, sa mère permet alors à Carl Benz de suivre une éducation de qualité et d’accéder à seulement 16 ans à des études en génie mécanique à l’École polytechnique de Karlsruhe.
A la fin de son cursus, Carl Benz fait ses premiers pas dans le domaine de la construction mécanique et travaille deux années, d’août 1864 à septembre 1866, en tant que monteur de locomotives à la Maschinenbau-Gesellschaft Karlsruhe. À l’automne 1866, il intègre la Maschinenfabrik Schweizer, entreprise spécialisée dans la fabrication de balances, de grues et de machines industrielles où, après avoir débuté à l’atelier, il est promu en mai 1867 aux fonctions de dessinateur et de concepteur.
En 1871, il fonde sa propre entreprise, « Carl Benz und August Ritter, Mechanische Werkstätte », à Mannheim, en s’associant avec August Ritter. Il se rend rapidement compte que ce dernier n’est pas un partenaire fiable et, grâce au soutien financier de sa femme Bertha Benz, qui met à profit sa dot, il rachète les parts de son associé. Bertha Benz devient bien plus qu’une simple partenaire financière puisqu’elle apporte aussi son soutien aux visions novatrices de son mari dont elle est l’alliée fidèle.
Leur union est cependant marquée de moments difficiles, notamment lorsque leur atelier est saisi par des huissiers en 1877. C’est dans un contexte de difficultés financières et de contraintes professionnelles importantes que Carl Benz entreprend, en 1878, de travailler sur le moteur à gaz : il voit dans le moteur à combustion interne non seulement une solution innovante pour entraîner des machines, mais également une étape cruciale vers la concrétisation de son rêve : créer un véhicule autonome pour remplacer les attelages hippomobiles.
En 1879, il réussit à faire fonctionner son premier moteur à deux temps à essence. Ce succès pose les bases économiques de son entreprise, qui devient la « Benz & Co. » en 1883. L’entreprise connaît alors une expansion rapide, ses moteurs à deux temps étant largement adoptés dans le domaine de l’industrie.

Carl Benz se consacre alors à la conception de son premier véhicule automobile. Contrairement à ses contemporains, il ne se contente pas de modifier une calèche existante mais conçoit une véritable voiture, dont le moteur à combustion interne est l’élément central. C’est en 1885 que Benz présente la toute première voiture de l’histoire automobile : la Patent-Motorwagen. Ce véhicule à trois roues, équipé d’un moteur à combustion interne monocylindre de 954 cm3 développant 0,75 ch à 400 tr/min, atteint une vitesse maximale de 16 km/h. Avec un châssis dédié léger, un moteur à explosion à essence, un système de direction unique, un allumage, un refroidissement, une transmission, des roues et des freins, la Patent Motorwagen se démarque des autres prototypes de l’époque. Cette voiture à trois roues est brevetée le 29 janvier 1886.
Cependant, c’est le voyage audacieux de son épouse Bertha Benz qui fait entrer cette voiture dans l’Histoire : en 1888, à l’insu de son mari, elle parcourt 104 km de Mannheim à Pforzheim en compagnie de ses deux fils, Eugen et Richard, âgés de 15 et 14 ans, et apporte la preuve de la fiabilité et de l’utilité potentielle de l’automobile.
Le 12 septembre 1888, peu après ce voyage légendaire, Carl Benz dévoile son invention au public au Salon de Munich. La presse relate en détail ses essais de la Patent Motorwagen. Impressionné, le jury lui attribue la Grande Médaille d’or, sa plus haute distinction. Ce véhicule, fabriqué à 25 exemplaires, devient ainsi la première automobile produite en série au monde. Si l’Allemagne accueille cette innovation avec réserve, elle fascine en revanche le public français. Carl Benz cède ainsi les droits de distribution à l’ingénieur français Émile Roger, déjà chargé de commercialiser des moteurs stationnaires Benz en France.
Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach : l’innovation dédiée à toutes les mobilités
Gottlieb Wilhelm Daimler est né le 17 mars 1834 à Schorndorf, près de Stuttgart. Fils d’un boulanger, il manifeste très tôt un talent pour les disciplines techniques et suit des cours de dessin industriel en plus de ses études classiques. À l’âge de 14 ans, en pleine révolution industrielle, il entame un apprentissage en armurerie, lui permettant d’acquérir des compétences solides en mécanique de précision.
En 1852, diplôme d’ouvrier qualifié en poche, Daimler poursuit ses études à l’École industrielle et commerciale de Stuttgart. Repéré par Ferdinand Steinbeis, il travaille ensuite dans une usine de construction mécanique à Graffenstaden, en Alsace, tout en suivant des cours théoriques avancés. Cette expérience lui permet d’intégrer l’École polytechnique de Stuttgart où il étudie le génie mécanique. Ses excellents résultats lui valent une bourse d’études lui permettant de financer la fin de son cursus universitaire.

Daimler explore alors l’industrie mécanique européenne en tant qu’ingénieur en France et en Angleterre et découvre les dernières innovations en matière de locomotives et de machines-outils. En 1863, il devient dessinateur à Geislingen avant d’intégrer l’usine Bruderhaus Reutlingen où il prend la fonction d’inspecteur.
En 1872, Daimler prend la direction technique de la Gasmotoren-Fabrik Deutz AG et perfectionne le moteur à quatre temps breveté par Nikolaus Otto, fondateur de l’usine. C’est là qu’il rencontre un ingénieur talentueux, Wilhelm Maybach, qui deviendra son plus fidèle collaborateur tout au long de sa carrière. Des désaccords croissants avec Nikolaus Otto le conduisent à quitter l’entreprise Deutz AG en 1882.
Au printemps 1882, Gottlieb Daimler acquiert une villa à Cannstatt, en banlieue de Stuttgart. Il y fait aussitôt construire une annexe pour y installer un atelier expérimental et fait élargir les allées du jardin pour les transformer en pistes d’essai ! Il y commence une collaboration fructueuse avec Wilhelm Maybach consacrée au développement de moteurs à combustion interne légers et compacts, destinés à équiper non seulement des machines industrielles, mais aussi des véhicules mobiles.
En 1884, ils conçoivent ainsi un moteur vertical développant un cheval à 600 tr/min, bien plus performant que le moteur stationnaire de Nikolaus Otto, limité à 180 tr/min pour un usage industriel. Daimler révolutionne la mécanique avec une nouvelle distribution des soupapes et un système d’allumage à tube incandescent, tandis que Maybach enrichit cette avancée grâce à un carburateur innovant, produisant un mélange air-carburant par évaporation.
Surnommé « horloge du grand-père » en raison de sa forme, ce nouveau moteur, doté pour la première fois d’un carter fermé étanche à l’huile et à la poussière, est breveté par Daimler le 3 avril 1885 sous l’appellation de « moteur à gaz ou à pétrole ». Avec ce moteur mono cylindre, plus léger et à haut régime, capable de propulser divers véhicules sur terre et sur l’eau, Gottlieb Daimler transforme radicalement l’industrie des moteurs.
En août 1885, les deux inventeurs déposent un brevet pour la « Reitwagen » (littéralement « voiture à chevaucher »), un vélocipède à deux roues qui marque la naissance de la moto. Cependant, cette invention ne jouera qu’un rôle secondaire dans leur parcours. Un an plus tard, le moteur à haut régime développé par Daimler est installé sur un bateau, le Neckar.
A l’automne 1886, une version optimisée à 1,1 ch de « l’horloge du grand-père » est installée sur un châssis issu d’une calèche. Avec cette calèche motorisée, Daimler donne naissance à la « Daimler Motorkutsche », la toute première automobile à quatre roues de l’histoire, éclipsant Benz et son tricycle tout en s’attirant les faveurs de la presse.
Dès 1885, les deux ingénieurs équipent avec succès une grande variété de prototypes terrestres, maritimes et aériens grâce à leur moteur monocylindre : voitures, bateaux, le premier ballon dirigeable motorisé (1888), traîneaux, tramways, pompes à incendie…
En 1887, Gottlieb Daimler fait breveter son nouveau moteur Daimler Type P, un bicylindre en V, évolution du modèle précédent et l’un des premiers moteurs à essence de l’histoire. Deux ans plus tard, en 1889, il équipe avec ce moteur le prototype Daimler Stahlradwagen, première voiture à quatre roues propulsée par un moteur à essence doté d’un carburateur à gicleur. Ce véhicule est exposé sur le stand Panhard & Levassor lors de l’Exposition universelle de 1889.
Lors de cet événement, Armand Peugeot, qui présente alors sa première Peugeot Type 1 à chaudière à vapeur conçue par Léon Serpollet, découvre ce moteur révolutionnaire. À la fin de l’exposition, Panhard & Levassor commence à produire ce moteur sous licence Daimler pour équiper leurs premières Panhard & Levassor Type A. Séduit par cette technologie, Peugeot s’associe avec eux pour équiper ses futures voitures, notamment les Peugeot Type 2 et Type 3, jusqu’à la Peugeot Type 14 de 1896, première à être dotée d’un moteur conçu par Peugeot.

A cette époque, la petite entreprise, en forte croissance, manque de moyens financiers et pousse Daimler à chercher des investisseurs : en 1890, il fonde avec Max Duttenhofer et Wilhelm Lorenz la Daimler-Motoren-Gesellschaft (DMG).

Les stratégies de Benz et Daimler : un regard contrasté sur l’innovation automobile
Avant leur fusion en 1926, les entreprises fondées par Carl Benz et Gottlieb Daimler suivent des stratégies très différentes qui reflètent deux visions propres du futur de l’automobile. Ces stratégies contribuent à poser les bases de l’une des marques les plus emblématiques de l’histoire de l’automobile : Mercedes-Benz.
Benz & Co : la démocratisation de l’automobile
Carl Benz, en tant qu’inventeur de la première automobile, oriente la stratégie de sa société sur l’usage de la voiture. Dès le début, il simplifie et rend abordable la voiture, en visant une production en série. Son modèle phare, la Benz Velociped (surnommée Velo), lancé en 1894, en est la parfaite illustration. Plus légère et plus simple que ses devancières, elle est conçue pour être accessible non seulement à l’élite mais aussi à une classe moyenne grandissante. Le modèle Velo se démarque par sa fiabilité et sa simplicité d’utilisation, en offrant une solution séduisante pour les consommateurs. A son lancement en 1894, la « Velo » est dotée d’un moteur développant 1,5 ch à 450 tr/min. En 1901, sa puissance est portée à 3,5 ch à 800 tr/min.
À partir de 1898, une version mieux équipée, baptisée « Velociped Comfort » ou simplement « Comfort », est également proposée. Produite à 1200 exemplaires de 1894 à 1901, la « Velo » peut être considérée comme la première automobile de grande série.
À la même période, Benz & Co propose deux autres modèles à son catalogue : la Benz Victoria et la Benz Vis-à-Vis, qui reposent sur un châssis et un moteur identiques. La Victoria marque un tournant en devenant la première automobile à quatre roues du constructeur de Mannheim. Sa version dérivée, la Vis-à-Vis, se distingue par son agencement différent, avec des sièges disposés face à face, favorisant ainsi la conversation entre les passagers. Ce modèle connaîtra une heure de gloire en 1894, lorsqu’une Vis-à-Vis pilotée par le français Émile Roger participera à la toute première course automobile de l’histoire, la Paris-Rouen.
À l’aube du XXe siècle, Benz & Co est le premier constructeur automobile mondial. La croissance de l’entreprise est fulgurante, l’effectif passant de 50 à 430 ouvriers entre 1890 et 1899 ! Cette même année, l’entreprise fabrique 572 véhicules, puis 603 l’année suivante dont la moitié pour l’export.
Cependant, ce succès naissant est rapidement menacé : dès 1901, les ventes chutent à 385 exemplaires, puis à 226 en 1902, et tombent à 172 en 1903. Ces difficultés trouvent leur origine dans une vision trop prudente : Carl Benz, étonnamment hésitant, semble craindre les limites d’une croissance basée sur la puissance, la vitesse et la compétition automobile. Cette peur contraste avec l’essor rapide de l’automobile. Lors de l’assemblée générale de la société en 1901, il critique amèrement « cette obsession à vouloir se surclasser en roulant toujours plus vite ! ». Pendant ce temps, son concurrent Daimler représente une menace grandissante, porté par une avancée technique majeure avec les premiers modèles Mercedes, au design séduisant et innovant.
En janvier 1903, à l’âge de 58 ans, Carl Benz se retire de l’entreprise, emmenant avec lui ses fils Eugen et Richard. Cependant, en 1904, il rejoint le conseil de surveillance de la société qu’il a fondée, tandis que Richard Benz fait son retour à Mannheim en tant que directeur de la production de voitures particulières. Grâce à une nouvelle stratégie de modèles, l’entreprise surmonte les pertes de l’exercice 1903 et renoue avec le succès dès l’année suivante.
DMG : performance, luxe et diversification
Tandis que Benz se concentre sur la fiabilité et l’accessibilité, Daimler vise le haut de gamme et la performance pour séduire une clientèle plus fortunée à qui il propose des véhicules alliant puissance et élégance. Le modèle Mercedes 35 ch, conçu par Wilhelm Maybach en 1901, illustre parfaitement cette stratégie : avec son moteur de 35 ch, ce modèle novateur est une véritable révolution, mêlant avancées technologiques et design novateur, avec une carrosserie abaissée pour une stabilité optimisée.

DMG ne se limite pas à la recherche de performances pour les seule voitures : il investit dans des applications routières, ferroviaires, maritimes et aéroportées, et souhaite régner sur l’ensemble du domaine des moteurs à combustion interne. Cette stratégie de diversification vise à étendre son influence et à consolider l’image de marque d’excellence et d’innovation.
L’importance d’Emil Jellinek dans la création de la marque Mercedes
L’histoire de Mercedes reste indissociable de celle d’Emil Jellinek, personnage clé dans la naissance de la marque Mercedes. Né le 6 avril 1853 à Leipzig, Emil Jellinek est un homme d’affaires visionnaire et un passionné d’automobile qui va jouer un rôle décisif dans la renommée de DMG.
À la fin du XIXᵉ siècle, Emil Jellinek s’installe à Nice où il est Consul Général d’Autriche-Hongrie auprès de la Principauté de Monaco. Entrepreneur casse-cou, il se lance dès 1898 dans le commerce de voitures et devient le distributeur privilégié des véhicules Daimler qu’il introduit auprès de ses relations et cercles d’influence.
Sa première voiture n’est pourtant pas une DMG, mais une Benz Victoria, qu’il considère comme un symbole de progrès et un moyen d’asseoir sa notoriété. Toutefois, il s’en montre vite insatisfait et la juge inconfortable, instable et au freinage insuffisant.
C’est par hasard qu’il découvre en 1896 la société DMG qui l’intrigue et le pousse à prendre contact avec Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach. La rencontre est marquante : face aux deux ingénieurs de génie, il se présente comme un homme ambitieux, bouillonnant et pressé, mais dépourvu de toute compétence mécanique. Leur entrevue débouche sur un contrat avec DMG, lui permettant d’importer des voitures Daimler sur la Côte d’Azur, plus précisément à Nice, alors haut lieu de villégiature très prisé des élites influentes. Dès 1900, il commande ainsi pas moins de 36 voitures à DMG. Toujours plus avide d’innovation, Jellinek demande des modèles toujours plus puissants et plus rapides qu’il n’hésite pas à engager en compétition.

Non seulement, il vend les modèles de la marque, mais il devient aussi un conseiller stratégique de la direction de DMG. Jellinek propose des idées audacieuses pour répondre à une clientèle exigeante qui recherche des véhicules exclusifs conjuguant performances et élégance.
C’est à Emil Jellinek que l’on doit l’une des premières grandes révolutions de l’industrie automobile : la Mercedes 35 ch. En 1900, en collaboration avec Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach, mais sous la direction de Wilhelm Maybach, il obtient la conception d’un véhicule aux multiples innovations : moteur en alliage léger à double arbre à cames, carburateur réglable, radiateur nid d’abeilles et doté de carters de protection, châssis rabaissé et système de freinage avancé. C’est finalement une voiture révolutionnaire ne pesant que 942 kg qui voit ainsi le jour.
Non content d’avoir joué un rôle central dans la conception de ce modèle emblématique, Jellinek obtient que la voiture porte le prénom de sa fille, Mercédès, une démarche à la fois personnelle et stratégique. Emil Jellinek rejoint rapidement le conseil d’administration de DMG et obtient les licences commerciales pour distribuer les véhicules de la marque en Autriche-Hongrie, en France, en Belgique et aux États-Unis.

L’année 1900 marque ainsi un tournant décisif pour la marque Mercedes qui se trouve également confrontée à la disparition, le 6 mars, de Gottlieb Daimler à qui son fils Paul succède. De son côté, Wilhelm Maybach poursuivra son travail chez DMG jusqu’en 1907. Dès 1902, Jellinek commercialise sous le nom Mercedes -sans les accents- les premières Mercedes 35 ch et Mercedes Simplex au sein de ses concessions.
Les années 1910, le duel autour de la vitesse et de l’innovation
Au début du XXe siècle, Benz & Co est le plus grand constructeur automobile du monde et les véhicules de Mannheim jouissent d’une excellente réputation. Ils sont considérés comme adaptés à un usage quotidien, fiables et abordables. Selon Carl Benz, ses véhicules ne doivent pas nécessairement être les plus rapides et les plus puissants.
Mais la concurrence, et notamment DMG, voit les choses différemment en exploitant habilement les succès en course de ses véhicules à des fins commerciales. Ainsi mis à mal, Benz & Co, afin de préserver ses parts de marché, fait machine arrière et adopte un objectif clair : produire la voiture la plus rapide au monde qui devra franchir la barre des 200 km/h !
Les travaux sur la Blitzen-Benz débutent dès 1909 à partir du moteur de la voiture de course Benz Grand-Prix de 150 ch qui se révèle rapidement insuffisant pour ce projet ambitieux. La cylindrée du moteur à quatre cylindres est alors portée à 21,5 litres, soit 21500 cm3 ! Le gigantesque moteur pèse 407 kg et délivre finalement 200 ch à 1 600 tr/min.
L’effort est récompensé et les performances au rendez-vous le 8 novembre 1909, sur le circuit de Brooklands en Grande-Bretagne : 205,666 km/h sur un demi-mile et 202,648 km/h sur un kilomètre, sont les vitesses moyennes atteintes par le pilote Sarthois Victor Hémery, avec un départ lancé. C’est la première fois en Europe que la barre symbolique des 200 km/h est franchie avec un moteur à combustion interne.
Pendant ce temps, DMG enchaîne les succès de course puis s’illustre particulièrement en 1914 au Grand Prix de France – épreuve automobile la plus prestigieuse de l’époque courue sur le circuit de Lyon – puisque les Mercedes Grand-Prix, équipées de moteur de 115 ch, signent le premier triplé de l’histoire de DMG en course automobile. Les deux entreprises se rendent coup pour coup dans cette quête effrénée de puissance et de vitesse.
En parallèle de la compétition, Benz & Co et DMG poursuivent l’élargissement de leurs gammes et proposent des voitures variées, comme les Benz 8/18 et 8/20, ou les Mercedes 8/18, 8/22, 12/32 en plus d’une gamme de véhicules utilitaires.
En 1913, DMG, pour assoir sa suprématie, ouvre le « Mercedes Palast », un point de vente luxueux à Berlin.

L’entrée en guerre en 1914 bouleverse les priorités de production et les usines se consacrent alors à la fabrication de moteurs d’avion de sorte que Benz & Co et DMG, deviennent les principaux constructeurs de moteurs aéronautiques en Allemagne. En 1915, DMG acquiert un nouveau site à Sindelfingen, qui deviendra plus tard l’un des sites de production phare de Mercedes-Benz. Dès 1918, la production de carrosseries y est centralisée, marquant une étape décisive dans l’histoire industrielle de l’entreprise.
À la fin de la Première Guerre mondiale, comme l’ensemble de l’industrie automobile allemande, Benz et DMG doivent relever des défis de taille : la transition vers une production civile est entravée par une forte inflation et un retard pris dans les innovations technologiques. Malgré ces difficultés, les entreprises investissent massivement dans la formation d’une nouvelle génération de spécialistes en créant, dès la seconde moitié des années 1910, des départements d’apprentissage à Mannheim et Gaggenau pour Benz, ainsi qu’à Untertürkheim chez DMG, ceci afin de préparer au mieux leur relance industrielle.
L’innovation face aux défis économiques : Mercedes-Benz dans les années 1920
Les années 1920 sont marquées par d’importantes difficultés et bouleversements économiques, exigeant des entreprises une grande inventivité et créativité pour survivre avant de pouvoir prospérer. DMG, par exemple, diversifie ses activités en produisant temporairement des meubles, des bicyclettes ou encore des machines à écrire, pour rationaliser son outil de production. Pendant ce temps, Benz & Co et Mercedes posent les bases d’une ère de prospérité future grâce à des avancées techniques majeures.
En 1921, DMG dévoile, au Salon de l’automobile de Berlin, la première voiture de tourisme dotée d’un moteur suralimenté par compresseur, la Mercedes 6/25/40. Cette avancée technique marque un tournant en matière de performance et d’efficacité et ouvre la voie à toute une génération de voitures sportives des années 1920 et 1930.
Benz, de son côté, se concentre sur la conception du moteur diesel OB 2 destiné à une production en série, qui aboutit en 1923 au lancement du premier camion diesel de série, le Benz 5 K 3.
Les succès en sport automobile renforcent l’aura des deux marques : Mercedes remporte deux fois la prestigieuse Targa Florio (1922 et 1924), tandis que Benz triomphe en 1921 lors de la course inaugurale de l’Avus de Berlin avec sa révolutionnaire voiture de course Benz 10/30 ch.
Malgré leurs approches différentes, les deux sociétés se trouvent face aux mêmes défis de l’après-guerre : la dérégulation du marché et l’hyperinflation en Allemagne. Les coûts élevés de production et la concurrence forte des constructeurs étrangers forcent Benz et DMG à se rapprocher pour survivre. En 1924, les deux entreprises signent un accord d’intérêt mutuel qui marque le prélude à leur fusion, officialisée le 28 juin 1926 avec la création de «Daimler-Benz AG». La nouvelle marque commerciale, Mercedes-Benz, adopte un logo symbolisant leur union, combinant l’étoile à trois branches de DMG et la couronne de laurier de Benz.
Mercedes-Benz commence alors la production de voitures de tourisme dont les types sont désignés par le préfixe W (pour Wagen, Voiture en français) qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Quelques mois après la création de la marque, Mercedes-Benz dévoile ainsi la W01 développée avec l’aide de Ferdinand Porsche. Les huit exemplaires de la W01 servent de prototype pour créer les types W02 et W03 qui sont présentés au Salon de l’automobile de Berlin d’octobre 1926.
Mercedes-Benz s’impose ainsi rapidement comme un leader du marché avec des modèles innovants, à l’image du Type S présenté en 1927. Ce véhicule hautement performant, décliné jusqu’à la légendaire SSKL, redéfinit les standards des voitures de sport et de course, notamment grâce à ses moteurs suralimentés.
Côté production, cette ère d’innovation s’accompagne de progrès significatifs. En 1928, l’usine de Sindelfingen se distingue en devenant pionnière dans la fabrication industrielle de carrosseries par l’introduction des presses d’emboutissage pour produire en série de grandes pièces de ses véhicules.

La décennie s’achève sur une note émouvante avec la disparition, à quelques mois d’intervalle, de deux figures emblématiques : Carl Benz, le 4 avril 1929, et Wilhelm Maybach, le fidèle collaborateur de Gottlieb Daimler, le 29 décembre 1929.
L’évolution des logos des marques jusqu’à la fusion de 1926
Depuis sa création au début du XXe siècle, le monogramme emblématique a évolué pour intégrer les grandes étapes de l’histoire de la marque, depuis les débuts modestes de DMG et Benz & Co jusqu’à leur fusion en 1926.
Le tout premier logo Mercedes (1902)
Le tout premier logo Mercedes adopte une forme ovale sobre et raffinée, dépourvue de traits marquants, qui le rend peu reconnaissable au premier regard.
La naissance de l’étoile à trois branches (1909)
En 1909, DMG introduit un nouveau symbole qui deviendra l’un des plus reconnaissables au monde : l’étoile à trois branches. Ce design, inspiré d’une idée de Paul Daimler, le fils de Gottlieb Daimler, symbolise la vision et la volonté de ce dernier à exceller dans les trois domaines de la mobilité : la terre, la mer et l’air.
Le logo Benz (1909)
Pendant ce temps, Benz adopte également un nouveau logo en 1909 : le logo de couleur bleu et jaune représente une couronne de laurier entourant le nom « Benz ». La couronne de laurier incarne la victoire et l’excellence et fait référence aux succès de la marque en compétition automobile.
L’évolution de l’étoile (1916)
En 1916, le logo de Mercedes évolue pour inclure un cercle extérieur orné du nom « Mercedes » et de quatre petites étoiles, soulignant davantage l’idée d’universalité et de suprématie dans tous les domaines de la mobilité. Ce design donne au logo une allure plus complexe et sophistiquée, qui marque une période où la marque consolidait sa position dans l’industrie automobile mondiale.
Le logo de la fusion (1926)
La fusion de DMG et Benz en 1926 donne naissance à un nouveau logo qui combine l’étoile à trois branches de Mercedes et la couronne de laurier de Benz et représente l’union de deux géants et de deux patrimoines de l’automobile. Le cercle extérieur porte désormais le nom « Mercedes-Benz« , unissant définitivement les deux identités sous une seule bannière. Il faudra attendre plusieurs décennies, passer la Seconde Guerre mondiale et plusieurs crises pétrolières, avant de voir une nouvelle évolution du logo en 2008.
La rencontre manquée des pères de l’automobile
Une question intrigue encore aujourd’hui : Carl Benz et Gottlieb Daimler se sont-ils un jour rencontrés ? Le 30 septembre 1897, à Berlin, la création du Mitteleuropäischer Motorwagen-Verein, premier club automobile allemand, offre une occasion unique de réunir ces deux personnages qui font partie des membres fondateurs de ce dernier. Ce jour-là représentait pourtant une véritable opportunité pour les deux pionniers, unis par une même passion, de se rencontrer mais finalement ils ne se croiseront jamais.
Carl Benz s’en souvient avec une pointe de regret : « Je n’ai jamais parlé à Daimler de toute ma vie. Une fois, je l’ai vu à Berlin, de loin. Alors que je m’approchais – j’aurais aimé faire sa connaissance – il a disparu dans la foule ».
Conclusion
L’héritage de Mercedes-Benz tient à l’audace et la détermination de ses fondateurs. De la première automobile brevetée par Carl Benz à la révolution automobile portée par Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach, chaque avancée a façonné l’industrie automobile moderne. Leur rivalité, puis leur union en 1926, ont donné naissance à la plus ancienne des marques automobiles qui incarne la puissance, le luxe et la performance. Un siècle après ses débuts, Mercedes-Benz continue d’écrire l’histoire en repoussant les limites de la technologie et du design, fidèle à l’esprit pionnier de ses créateurs. Aujourd’hui, posséder une Mercedes-Benz, c’est détenir une petite part de son illustre histoire, un lien intime avec les pionniers qui ont façonné son prestige. Ne l’oublions pas !
Auteur de l’article : Alain Lemercier
Une histoire bien racontée et à connaître
Excellent 👌🏻 bravo pour cet article qui raconte l’histoire d’une belle épopée : la création de l’automobile et notamment de la marque Mercedes-Berz.
Merci Alain
Bravo pour cet article qui en plus d’être très intéressant, est d’une excellente qualité ! 🙏
Impressionnant travail , merci Alain.
Merci pour l’envoie de ce mail hyper intéressant ou l’on apprend énormément de choses,toute la genèse de la marque et de l’automobile sont bien évoquées
bravo à vous