En 1984, Mercedes-Benz tourne une page majeure de son histoire. Après dix années de règne incontesté de la W123, la marque à l’étoile dévoile une nouvelle génération de berlines de milieu de gamme : la W124. Plus légère, plus aérodynamique, plus sûre, elle inaugure une décennie de perfection technologique. Quarante ans plus tard, elle demeure le symbole d’une époque où l’ingénierie Mercedes-Benz signifiait avant tout fiabilité, robustesse et intemporalité.
La Mercedes-Benz W124 Phase I – Un héritage lourd à porter
En novembre 1984, le monde découvre la nouvelle berline de milieu de gamme Mercedes-Benz. Succéder à la mythique W123, véritable icône de fiabilité, constitue un défi majeur. Mais Mercedes-Benz ne souhaite pas seulement renouveler un modèle à succès : il s’agit de réinventer la berline allemande moderne, capable de conjuguer économie, sécurité et performance sans renier au confort légendaire de la marque.
Sous la direction de Bruno Sacco, alors responsable du design, la W124 affiche un style sobre et élégant, marqué par des lignes tendues et une aérodynamique soignée grâce à des angles et des arêtes arrondis. Le coefficient de traînée descend jusqu’à 0,29 — un exploit pour une berline de cette taille en 1984. Ce design n’a rien d’un simple exercice de style : il découle d’une approche rationnelle, fidèle au principe cher à Stuttgart : « la forme suit la fonction ».

« La W124 n’était pas conçue pour séduire, mais pour durer », titre Auto Motor und Sport au moment de sa sortie.
L’ingénierie au service de l’efficacité
Sous sa carrosserie se cache un concentré d’innovations. Mercedes-Benz emploie, pour la première fois sur un modèle de grande diffusion, des aciers à haute résistance et des matériaux allégés, permettant une réduction significative du poids et de la consommation de carburant. La sécurité, elle, atteint un niveau inédit pour une voiture de cette catégorie. L’habitacle est renforcé, les zones de déformation sont calculées avec une précision d’orfèvre, et la protection en cas de choc latéral ou de retournement surpasse les standards de l’époque.

Même les détails témoignent de cette obsession du progrès. L’essuie-glace monobras, à commande télescopique, nettoie 86 % du pare-brise — un record mondial ! Les gicleurs de lave-glace chauffants deviennent de série. L’essieu arrière multibras, déjà vu sur la compacte 190, et les suspensions avant à jambes amortissantes offrent un comportement routier d’une stabilité exemplaire. La tenue de route devient une référence : Mercedes-Benz prouve qu’une grande berline peut être à la fois confortable et précise.

Une gamme de moteurs modernisée
Au lancement, la gamme propose des moteurs de 2.0 à 3.0 litres, essence et diesel, dont la plupart sont entièrement nouveaux. Seuls les 4 cylindres essence proviennent encore des 200 et 230 E de la génération W123. Outre les 6 cylindres à injection de 2.6 et 3.0 litres, totalement inédits, une nouvelle génération de moteurs diesel fait son apparition : le 4 cylindres 2.0 L, déjà utilisé sur la 190 D (W201), est désormais accompagné d’un 5 cylindres 2.5 L et d’un 6 cylindres 3.0 L.
À partir de septembre 1985, tous les modèles essence — à l’exception du type 200 à carburateur — peuvent être équipés d’un catalyseur trois voies. Les clients ont toutefois la possibilité d’opter pour la version dite « RÜF », dépourvue de catalyseur et de sonde lambda, mais dotée d’un système d’alimentation et d’allumage multifonction. Cette configuration présente l’avantage de pouvoir recevoir ultérieurement un catalyseur, une option appréciée à une époque où l’essence sans plomb n’était pas encore courante. Les modèles à six cylindres sont, quant à eux, livrés d’origine dans cette configuration « RÜF ».
Dès septembre 1986, tous les modèles, y compris ceux équipés d’un carburateur, sont proposés avec un catalyseur. Les versions « RÜF » continuent d’être commercialisées à un tarif réduit jusqu’en août 1989.
Un style intemporel
Le design extérieur de la Mercedes-Benz W124 s’inscrit dans la continuité esthétique initiée par la W201, la célèbre « 190 », tout en affirmant une personnalité plus statutaire et raffinée. Conçue sous la direction de Bruno Sacco, elle reprend le langage des formes tendues et épurées de sa cadette, mais dans des proportions plus amples et équilibrées. Son profil élancé, ses lignes nettes et sa calandre traduisent une élégance fonctionnelle typiquement Mercedes-Benz, où chaque détail répond à une logique d’efficacité. Plus fluide encore que la W201, la W124 affiche un remarquable coefficient aérodynamique de 0,29, soulignant l’importance accordée à la performance et à la sobriété.
L’habitacle se distingue par la robustesse de ses matériaux : plastiques épais, commutateurs solides et sellerie durable. Cette conception illustre pleinement la qualité fonctionnelle associée à la marque. L’intérieur, à la fois raffiné et moderne, présente des inserts en bois précieux sur la console centrale ainsi qu’une gamme de tissus de sièges disponible en sept coloris, assortis aux vingt-cinq teintes de carrosserie proposées.

« Fermez une porte de 124, et vous entendrez le son d’une époque où la qualité se mesurait à l’oreille », écrira plus tard un journaliste britannique de Classic & Sports Car.
Extérieurement, l’ensemble des modèles de la série présente une apparence presque uniforme. Les seules distinctions notables concernent la double sortie d’échappement propre aux versions 6 cylindres, ainsi que les ailes et la jupe avant équipées d’entrées d’air à lamelles spécifiques aux versions dotées d’un turbo.
Cinq principaux éléments distinctifs de la berline W124 Phase I
1. Optiques avant rectangulaires
La première génération de W124 se caractérise par ses blocs optiques avant rectangulaires. Les clignotants avant sont de teinte orange.
2. Feux arrière horizontaux
Les blocs optiques arrière anti-salissures adoptent une disposition horizontale et intègrent dans un seul ensemble les clignotants orange, les feux de stop et les feux de recul. Ce dessin souligne la largeur du véhicule et participe à son identité visuelle.
3. Pare-chocs au fini brut
Les pare-chocs avant et arrière sont de teinte grise, avec une large bande noire d’impact en partie centrale.
4. Éléments de carrosserie non peints
Les rétroviseurs extérieurs, les poignées de portes et les baguettes latérales de protection sont en plastique noir.
5. Calandre horizontale chromée avec étoile intégrée
La berline conserve la traditionnelle calandre Mercedes-Benz chromée, intégrée directement au capot moteur. L’étoile à trois branches trône au centre de la calandre, symbolisant la continuité du style classique de la marque.
La sécurité des passagers avant tout
La W124 intègre de nombreux systèmes de sécurité : résistance accrue en cas de collision latérale, zones avant déformables pour mieux protéger piétons et cyclistes, serrures renforcées, planche de bord rembourrée pour limiter les blessures aux genoux, rétracteurs de ceintures avant, traverses solides pour empêcher la pénétration du tableau de bord, ainsi qu’un volant et des pédales rétractables pour réduire les risques de traumatisme. Le réservoir d’essence bénéficie également d’une protection renforcée. À l’arrière, le coffre et la roue de secours absorbent l’énergie lors d’une collision. Après un choc, l’habitacle reste intact et les portes demeurent accessibles. Avec la W124, Mercedes-Benz offre un niveau de sécurité complet et exemplaire.
Des systèmes novateurs
Mercedes-Benz introduit alors trois systèmes innovants : le différentiel autobloquant ASD, l’antipatinage ASR et la transmission intégrale 4MATIC. Le 4MATIC, disponible dès 1987 sur les berlines et les breaks à moteur 6 cylindres, est le plus onéreux. Ces technologies placent la marque à l’avant-garde de la sécurité active.
Cependant, cette sophistication a un coût : les versions 4MATIC des modèles 260 E, 300 E, 300 D et 300 D Turbo, disponibles dès le printemps 1987, coûtent près de 12 000 DM de plus que leurs homologues à propulsion ! Mercedes-Benz l’assume pleinement : la W124 est un laboratoire roulant, non un compromis commercial.
Caractéristiques techniques de la berline W124 (Diesel & Essence)
Remarques : Lecture des nomenclatures Mercedes-Benz
Chiffre = cylindrée du moteur.
D = Diesel.
E = Einspritzmotor (moteur à injection électronique).
4-MATIC = système à 4 roues motrices.
1985 : le break entre en scène
Quelques mois après le lancement de la berline, Mercedes-Benz dévoile la version break lors du salon de Francfort. Fidèle à la philosophie de la marque, cette déclinaison ne se résume pas à une simple variante utilitaire : elle s’impose comme une véritable automobile familiale haut de gamme. Produite à Brême, la version break reprend la majorité des avancées technologiques de la berline, notamment l’essieu arrière multibras, combiné de série à un correcteur d’assiette hydropneumatique, ainsi qu’un essieu avant à jambes de force. La qualité de fabrication demeure identique à celle de la berline, maintenant ainsi un niveau d’exigence élevé. La 124 T (pour Transport ou Tourisme) devient rapidement une référence parmi les breaks de luxe européens.


La gamme Break se compose de dix modèles principaux, auxquels s’ajoutent cinq versions à châssis long ou à carrosseries spécifiques, telles que corbillards, ambulances ou véhicules diplomatiques. Comme la berline, le break utilise des motorisations essence et diesel, à l’exception des moteurs des 260 E, 250 TD Turbo et 300 D 4MATIC. Seuls les modèles 300 TD Turbo et 300 TE bénéficient du système 4MATIC.

Si la berline et le break semblent proches au premier regard, certaines différences subsistent. Le toit du break est légèrement plus haut, tandis que la partie arrière, plus volumineuse, entraîne une augmentation du coefficient de traînée (Cx 0,34 contre 0,30 pour la berline). Le plancher arrière est entièrement repensé afin d’offrir une surface de chargement parfaitement plane, et le réservoir de carburant est déplacé sous le plancher arrière.
Les cinq principaux éléments distinctifs du break W124
1. Ligne de toit allongée et pavillon horizontal
Le break conserve une ligne de toit parfaitement rectiligne jusqu’à l’extrémité arrière, contrairement à la berline dont le pavillon s’abaisse après la custode.
2. Custode arrière verticale et entièrement vitrée
La partie arrière du break se caractérise par une custode verticale, composée d’une vitre latérale droite et d’un montant nettement marqué, assurant la transition entre l’habitacle et le compartiment de chargement.
3. Hayon monobloc avec lunette verticale
À l’arrière, le break adopte un hayon monobloc intégrant une lunette presque perpendiculaire au sol. Cette conception facilite l’accès au compartiment à bagages et optimise le volume de chargement.
4. Barres de toit longitudinales
Les barres de toit, en aluminium ou peintes en noir selon la finition, équipent la majorité des breaks et renforcent leur vocation pratique.
5. Essuie-glace arrière central
Caractéristique propre au break, un essuie-glace unique est monté en position centrale sur la lunette arrière. Cet équipement, absent des berlines, améliore la visibilité et constitue un repère immédiat de cette carrosserie.
Caractéristiques techniques du break W124 (Diesel & Essence)
Remarques :
T désigne « Transport » ou « Tourisme », tandis que D fait référence au diesel. De nombreuses personnes pensaient à tort que TD signifiait « Turbo-Diesel ». C’est pourquoi la mention « Turbo » était spécifiquement ajoutée lorsque le moteur comportait effectivement un système de suralimentation.
Le coupé, l’élégance sans ostentation
En mars 1987, Mercedes-Benz dévoile à Genève la version coupé, dix ans après le lancement du coupé W123. Plus court de 85 mm que la berline, il affiche une silhouette élégante et fluide, marquée par l’absence de montant central. La carrosserie adopte un design inédit, à l’exception de la face avant et des feux arrière repris de la berline. Il s’agit d’une grande routière élégante, et non d’une voiture de sport. Les coupés 230 CE et 300 CE offrent luxe, sobriété et le même niveau de sécurité que les berlines, tout en bénéficiant de motorisations éprouvées.

Les ingénieurs ont particulièrement soigné la rigidité de la structure, compensant l’absence de montant B par un montant A renforcé, des bas de caisse et des portes plus solides, ainsi que par l’utilisation d’aciers à haute résistance. L’habitacle respire le calme et la qualité, dans la plus pure tradition Mercedes-Benz.



Cinq principaux éléments distinctifs du coupé W124
1. Absence de montant central
La caractéristique la plus marquante du coupé est l’absence de montant B entre les vitres avant et arrière. Les vitres arrière, plus courtes et dépourvues d’encadrement, s’abaissent électriquement et s’alignent parfaitement avec les vitres avant lorsqu’elles sont descendues, créant une ouverture latérale totalement dégagée. Cette configuration « sans montant » confère au coupé une allure fluide et élégante, typique des grands coupés Mercedes-Benz.
2. Portes avant allongées
Pour faciliter l’accès aux places arrière, les portes avant du coupé ont été allongées d’environ 10 centimètres par rapport à celles de la berline. Cet allongement modifie les proportions du véhicule et renforce son caractère exclusif.
3. Pavillon abaissé et ligne de toit plus inclinée
Le pavillon du coupé est plus bas d’environ 4 centimètres par rapport à celui de la berline, avec une ligne de toit davantage inclinée vers l’arrière. La lunette arrière, plus inclinée elle aussi, contribue à la silhouette élancée et dynamique du modèle.
4. Vitres sans cadre
Les portières du coupé ne comportent aucun cadre métallique autour des vitres. Lors de l’ouverture, la vitre descend légèrement pour se libérer du joint supérieur, puis remonte automatiquement à la fermeture.
5. Jupes latérales spécifiques et finitions distinctives
Le coupé se distingue également par des jupes latérales élargies, souvent associées à une peinture bi-ton caractéristique des versions haut de gamme de l’époque. Ces éléments renforcent l’assise visuelle et le raffinement du modèle.
Caractéristiques techniques du coupé W124
L’obsession de la fiabilité
Entre 1984 et 1989, la W124 s’impose comme le mètre étalon du segment. Les taxis allemands, les flottes gouvernementales et les familles aisées d’Europe de l’Ouest en font leur choix naturel. Les motorisations Diesel sont réputées indestructibles, les versions essence offrent une douceur mécanique sans égale, et la finition demeure exemplaire. Les rares évolutions techniques — nouveaux moteurs, améliorations de sécurité, généralisation du catalyseur sur toute la gamme — sont accueillies avec enthousiasme.
En septembre 1988, tous les modèles bénéficient de nouveaux équipements de série : ABS, rétroviseur conducteur chauffant, lave-glace avec réservoir et gicleurs chauffants, ainsi qu’un airbag passager proposé en option.
En 1989, Mercedes-Benz perfectionne également ses moteurs Diesel dans le cadre du programme « Diesel ’89 ». L’objectif est de réduire les émissions de particules de 40 % afin de respecter les normes imposées outre-Atlantique. Résultat : les Diesel gagnent encore en puissance et en propreté — une combinaison rare à l’époque.
1989 : une première mue esthétique – Phase II
À la fin des années 1980, la W124 est déjà une référence mondiale. Mais Mercedes-Benz, fidèle à sa philosophie, ne s’endort jamais sur ses lauriers. En septembre 1989, au Salon de Francfort, la marque présente une version remaniée de sa berline de milieu de gamme. L’évolution ne saute pas immédiatement aux yeux, mais tout change dans les détails :
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- apparition de nouvelles bandes latérales et de bas de caisse redessinés, un traitement esthétique déjà aperçu en 1987 sur les versions coupé ;
- fines moulures en acier inoxydable poli soulignant désormais le haut des bas de caisse et se prolongeant élégamment jusqu’aux boucliers, réintroduisant avec subtilité la touche chromée si chère aux passionnés de la marque ;
- effet renforcé par des inserts chromés sur les poignées de porte ;
- pare-chocs avant et arrière noirs ;
- autre évolution discrète mais significative : les coques de rétroviseurs adoptent désormais la couleur de la carrosserie, renforçant l’homogénéité du dessin.
L’intérieur bénéficie lui aussi de soins particuliers. Les sièges, à l’avant comme à l’arrière, profitent d’un confort amélioré, tandis que de nombreux détails de finition sont revus afin d’offrir une ambiance plus raffinée et conforme aux standards de la marque. Dès septembre, tous les modèles — à l’exception des versions 4MATIC — bénéficient en option du pack Sportline, déjà familier aux propriétaires des modèles compacts. Celui-ci offre une suspension sport, des jantes en alliage ou en acier, une carrosserie sensiblement abaissée, des ressorts et amortisseurs plus rigides, ainsi qu’un volant et un levier de vitesses gainés de cuir.
« C’est la perfection tranquille, le luxe sans arrogance », écrit L’Automobile Magazine en octobre 1989.
Les années 1990 marquent une véritable montée en gamme. La clientèle, plus exigeante, réclame davantage de puissance et de raffinement. Mercedes-Benz répond par une nouvelle génération de moteurs à quatre soupapes par cylindre. La marque propose alors près de 50 versions de W124 au catalogue, toutes carrosseries confondues ! Il va de soi que nous n’en présenterons pas la liste complète dans cet article… Les 300 E-24 (berline), 300 TE-24 (break) et 300 CE-24 (coupé) héritent du 6 cylindres 3.0 litres de 220 chevaux, issu du SL R129. Plus souple, plus vif, plus silencieux, ce moteur illustre parfaitement la rigueur mécanique de Stuttgart.

Caractéristiques techniques des 300 E-24, 300 TE-24 et 300 CE-24
La gamme s’enrichit également d’une version longue à six portes, développée avec le carrossier Binz de Lorch et destinée aux hôtels, ambassades et administrations. Avec son empattement allongé de 80 centimètres, cette limousine prolonge la tradition Mercedes-Benz du sur-mesure dans une exécution digne de la Classe S. Trois motorisations sont proposées sur cette version à six portes : 250 D, 260 E et 280 E.
260 E en version 6 portes….

Mercedes-Benz 500 E – une légende née à Zuffenhausen
En octobre 1990, dans les allées feutrées du Mondial de l’Automobile de Paris, une berline grise attire les regards discrets des connaisseurs. Rien d’ostentatoire, pas de ligne tapageuse ni d’aileron spectaculaire. Pourtant, derrière cette silhouette sage se cache un véritable loup dans la peau d’un agneau : la Mercedes-Benz 500 E, la berline haute performance la plus redoutable de la série W124 — et sans doute l’une des plus emblématiques de toute l’histoire de la marque.

La sagesse des apparences
Pour l’œil non averti, la 500 E ressemble à une paisible W124. Une voiture de cadre supérieur, sobre et statutaire, taillée pour la rigueur allemande et les longs trajets autoroutiers. Mais pour les passionnés, quelques indices trahissent sa véritable nature : ses phares antibrouillard intégrés au bouclier avant, son châssis abaissé de 23 millimètres, de généreux pneus en 225/55 R16 et un regard affûté, accentué par un spoiler avant et des ailes subtilement élargies. Rien de plus. Et c’est précisément là que réside son charme : une allure de sage, une âme de sportive.


Sous son capot sommeille un monstre mécanique : un V8 atmosphérique de 5,0 litres (moteur M119) développant 326 chevaux. Ce bloc, issu de la 500 SL R129, propulse la berline de 0 à 100 km/h en seulement 5,9 secondes et la catapulte à une vitesse de pointe limitée électroniquement à 250 km/h. En 1990, de telles performances placent la 500 E au niveau des meilleures GT du moment, tout en offrant quatre places, un grand coffre et le confort légendaire de la marque à l’étoile.

La touche Porsche : un secret de fabrication bien gardé
Si la 500 E fascine autant aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle est née d’une collaboration entre Mercedes-Benz et Porsche. À la fin des années 1980, les ingénieurs de Stuttgart souhaitent loger un V8 dans la berline W124. Mais entre le développement simultané du roadster SL R129 et celui de la Classe S W140, les ateliers Mercedes-Benz sont saturés.
La solution ? Faire appel à un voisin de prestige : Porsche, dont l’expertise en châssis et en mise au point sportive n’est plus à prouver. Dès 1987, le constructeur de Zuffenhausen reçoit la mission de développer et d’assembler la nouvelle berline haute performance. Les éléments de carrosserie sont fabriqués à Sindelfingen, assemblés et ajustés chez Porsche, peints à nouveau chez Mercedes-Benz, puis renvoyés à Zuffenhausen pour l’assemblage final. Une véritable danse industrielle entre deux géants allemands.
Cette coopération donne naissance à une automobile d’exception, produite artisanalement, presque à la main. Sur les plus de deux millions de W124 fabriquées, seules 10 479 unités voient le jour entre 1991 et 1995 — 500 E, E 500 et E 60 AMG comprises.
Un héritage technique et spirituel
La 500 E s’inscrit dans une tradition chère à Mercedes-Benz : celle de greffer un moteur de haut calibre dans une berline de taille moyenne. Déjà dans les années 1960, la 300 SEL 6.3 (W109), équipée du fabuleux V8 de la limousine 600, avait bouleversé le monde automobile en alliant luxe et performances de sportive. Avec la 500 E, Mercedes-Benz renoue avec cette philosophie, tout en la modernisant grâce à l’électronique, à l’ABS et au système antipatinage ASR, gage de sécurité et de maîtrise.
Le moteur M119, pièce maîtresse du projet, se distingue par une architecture à quatre soupapes par cylindre et un système d’injection Bosch LH-Jetronic à gestion électronique. Le bloc, légèrement abaissé pour s’intégrer sous le capot, repose sur un châssis affûté et un freinage surdimensionné emprunté à la 500 SL R129. Même la batterie est déplacée dans le coffre pour parfaire la répartition des masses.
Aujourd’hui encore, 35 ans après sa présentation, la Mercedes-Benz 500 E continue de fasciner. Véritable icône du savoir-faire allemand, elle symbolise l’âge d’or de l’ingénierie mécanique, lorsque la performance se conjuguait avec élégance et robustesse.
La petite sœur de la 500 E
En septembre 1991, la 400 E fait son entrée, animée par le V8 de 4,2 litres issu de la Classe S. Moins spectaculaire que la 500 E mais affichant des performances très honorables, elle s’adresse à une clientèle exigeante recherchant une puissance plus discrète. Proposée à 50 000 marks de moins que sa prestigieuse aînée, elle séduit par son châssis retravaillé pour accueillir le V8 et par son freinage renforcé, qui en font une grande routière homogène.
Caractéristiques techniques des 500 E et 400 E W124
Le retour du cabriolet : l’élégance retrouvée
Lorsque Mercedes-Benz dévoile son élégant cabriolet quatre places au Salon international de l’automobile de Francfort en septembre 1991, la marque de Stuttgart affiche clairement ses ambitions : renouer avec le plaisir de la conduite à ciel ouvert. Ce nouveau modèle à capote souple marque le retour d’un cabriolet quatre places dans la gamme après vingt années d’interruption.
Ce cabriolet s’inscrit dans une longue tradition chez Mercedes-Benz : celle des décapotables quatre places, interrompue depuis la fin de production des 280 SE et 280 SE 3.5 (W111) en 1971. Entre-temps, la marque avait perpétué l’esprit de la conduite cheveux au vent grâce aux SL biplaces, mais il faudra attendre l’A124 pour retrouver un véritable cabriolet quatre places. Produite jusqu’en 1997 à 33 952 exemplaires, cette lignée donnera naissance aux CLK (A208 puis A209) et, plus tard, aux cabriolets de Classe E.
Avec ce cabriolet dérivé du coupé C124, Mercedes-Benz parvient à marier l’agrément du plein air avec les qualités intrinsèques de ses berlines : confort, sécurité et technologie de pointe. Présenté à l’origine sous le nom interne A124 et commercialisé au printemps 1992 sous l’appellation 300 CE-24, le modèle séduit immédiatement par son élégance et son équilibre stylistique. Il complète ainsi une famille déjà riche — berline, break, coupé et version longue — et s’impose rapidement comme un futur classique.


Un travail d’ingénierie remarquable
Transformer le coupé W124 en cabriolet représente un défi technique majeur. Les ingénieurs revoient près de 1 000 composants afin de garantir un niveau de rigidité et de sécurité équivalent à celui des versions fermées. Tôles renforcées, aciers à haute résistance, entretoises, barres de renfort — dont certaines inspirées de la SL R129 — contribuent à la robustesse de l’ensemble. Au total, plus de 130 kg de renforts métalliques sont ajoutés pour compenser l’absence du toit et maintenir une rigidité comparable à celle de la berline.
La capote, véritable chef-d’œuvre de compacité, avec son mécanisme composé de 27 pièces et 34 articulations, ne pèse que 43 kg et n’occupe que 80 litres une fois repliée, préservant ainsi un volume de coffre généreux.

Caractéristiques techniques du 300 CE-24
1992 : l’évolution technique majeure
En septembre 1992, Mercedes-Benz lance une gamme revisitée de modèles de milieu de gamme. Cette nouvelle génération apporte des améliorations majeures aux moteurs et aux équipements. Les versions essence adoptent une gamme entièrement revue, désormais basée sur la technologie à quatre soupapes par cylindre. Au sein de la nouvelle famille de moteurs M111, deux blocs quatre cylindres de 2.0 et 2.2 litres remplacent l’ancien moteur M102 à deux soupapes par cylindre. Ces nouvelles mécaniques se distinguent par une puissance accrue et un couple supérieur sur l’ensemble de la plage de régimes.
Les 6 cylindres à deux soupapes, ainsi que le 3.0 litres à quatre soupapes, sont remplacés par deux nouveaux moteurs à quatre soupapes de 2.8 et 3.2 litres appartenant à la famille M104.
À cela s’ajoutent plusieurs évolutions d’équipement : l’airbag conducteur, le verrouillage centralisé et les rétroviseurs électriques deviennent désormais de série, y compris sur les versions d’entrée de gamme.
1993 : la naissance de la “Classe E” – Phase III
L’année 1993 marque une transition symbolique. La W124 reçoit un profond restylage et change d’appellation : elle devient officiellement Classe E.
Mercedes-Benz uniformise ses gammes — Classe S, Classe C, Classe E — et adopte une nouvelle nomenclature. Le “E” passe désormais devant le chiffre : la 300 E devient E 300, la 400 E devient E 420 pour tenir compte de la cylindrée réelle, la 500 E devient E 500…
Ce restylage s’accompagne d’une évolution esthétique majeure : la calandre s’intègre désormais au capot, à l’image de la Classe S. Les clignotants avant adoptent des verres transparents, les feux arrière deviennent bicolores, les pare-chocs prennent la teinte de la carrosserie et l’étoile à trois branches est désormais fixée sur le capot. L’ensemble gagne en raffinement sans renier la sobriété originelle.



L’éclat des variantes : coupés, breaks et AMG
La gamme s’étoffe : les coupés E 220 et E 320 adoptent la nouvelle identité, rejoints par la E 36 AMG, forte de 272 chevaux, qui coiffe discrètement la famille d’un halo sportif.
Le break, toujours produit à Brême, poursuit sa carrière avec le même souci d’excellence. Il incarne la rationalité allemande dans ce qu’elle a de plus noble : espace, sécurité, robustesse et longévité.
Les versions Diesel, quant à elles, adoptent à partir de 1993 la technologie quatre soupapes sur les cinq et six cylindres, réduisant consommations et émissions. Les ingénieurs de Stuttgart parviennent ainsi à un équilibre parfait entre performances, fiabilité et respect de l’environnement — une véritable prouesse technique pour l’époque.



L’héritage des grands cabriolets
Dès juin 1993, la gamme des cabriolets est profondément modernisée et s’enrichit de nouvelles motorisations. Aux côtés du E 200 figurent désormais le E 220, le raffiné E 320 et, au sommet, le très exclusif E 36 AMG de 272 ch. La capote électrohydraulique devient de série, tandis que son isolation intérieure est optimisée pour améliorer le confort thermique et acoustique.

Jusqu’à l’arrêt de la production en 1997, 15 380 clients choisissent les versions quatre cylindres et 18 572 optent pour les six cylindres, ces derniers rencontrant un succès particulièrement marqué à l’export — notamment le E 320, dont environ 75 % des exemplaires prennent la direction de marchés étrangers.
Caractéristiques techniques des cabriolets de la phase III
La fin d’une époque
En 1995, Mercedes-Benz dévoile la nouvelle génération de sa berline de milieu de gamme : la Classe E série 210, reconnaissable à ses quatre phares ronds. La production des berlines série 124 s’interrompt à l’été 1995, suivie de celle des breaks en 1996, puis des cabriolets en 1997.
En onze ans de carrière, plus de 2,2 millions de berlines, 340 000 breaks, 140 000 coupés et près de 34 000 cabriolets ont quitté les chaînes. Un succès colossal, symbole de la constance allemande.
Un héritage indestructible
Aujourd’hui encore, la série 124 jouit d’une réputation quasi mythique. Souvent considérée comme la dernière Mercedes-Benz « conçue sans compromis », elle symbolise une époque où la marque construisait ses voitures pour durer un million de kilomètres.
Son confort, sa précision mécanique et sa qualité d’assemblage en font l’une des Mercedes-Benz les plus respectées des collectionneurs.
La série 124 a traversé les décennies sans perdre son éclat. Qu’elle soit en version Diesel indestructible, coupé raffiné ou 500 E musclée, elle incarne à elle seule l’esprit Mercedes-Benz d’avant le marketing : la quête absolue de perfection technique.
Auteur : Alain Lemercier / Photos : Archives Mercedes-Benz



















































Une véritable encyclopédie 👏
Merci Arnaud😉
Présentation très complète
Très bel article, fouillé et très bien illustré. Merci
Merci de votre message cher anonyme😉
La W124, une légende qui succède à une autre légende.
Amicalement,
Joseph TRICOLI
La W124 a été lancée sur le marché Français a Cannes au palais des festivals .J’ai eu la chance d’être présent comme collaborateur de M.B.F. A noter que le spectacle a fait , entre autre, un salut remarquable a la W123. Souvenirs , souvenirs ..
Amicalement
Pierre