1955–2025 : Les 70 ans de la victoire de la Mercedes-Benz 300 SLR aux Mille Miglia


Il y a exactement 70 ans, le 1er mai 1955, à 7h22 du matin, une Mercedes-Benz 300 SLR frappée d’un imposant numéro rouge « 722 » s’élançait de Brescia pour une épopée automobile qui allait marquer à jamais l’histoire de la course. Aux commandes de cette flèche d’argent conçue pour les routes ouvertes : Stirling Moss, jeune prodige britannique, et son copilote, Denis Jenkinson. Ensemble, ils remportèrent les Mille Miglia en 10 heures, 7 minutes et 48 secondes, à la vitesse moyenne ahurissante de 157,6 km/h. À l’occasion des 70 ans de cette victoire mythique, retour sur une machine hors du commun et sur un moment de grâce mécanique et humaine.


Une voiture à part

La 300 SLR n’était pas une voiture de course comme les autres. Inspirée de la Formule 1 W196 R, elle fut adaptée pour les longues courses d’endurance sur routes ouvertes : phares, clignotants, plaque d’immatriculation et même le fameux « D » pour « Deutschland » figuraient sur la malle arrière. Pourtant, derrière cette apparente civilité se cachait une bête de course. Son moteur huit cylindres en ligne de 3 litres développait 276 chevaux, propulsant ce bolide de moins de 900 kg à des vitesses qu’aucune autre voiture de sa génération n’atteignait sur route.

Sous ses lignes élancées en magnésium, la 300 SLR cumulait les raffinements techniques : tableau de bord complet, magnéto Scintilla réglable, pédalier asymétrique à cause du large tunnel de transmission, volant au choix à trois ou quatre branches. Moss, lui, avait opté pour un volant à trois branches, offrant une meilleure visibilité sur le grand compte-tours, gradué jusqu’à 11 000 tr/min.


Un duo mythique

Mais une voiture aussi exceptionnelle soit-elle ne gagne pas seule. La victoire de 1955, Mercedes-Benz la doit aussi à la symbiose parfaite entre Moss et Jenkinson. Ce dernier, embarqué comme copilote, avait conçu un ingénieux système de notes sur rouleau, abritées dans un boîtier métallique vissé au tableau de bord. Grâce à ce dispositif et à leur préparation minutieuse, le tandem a pu anticiper chaque virage, chaque piège, chaque ligne droite à pleine vitesse. Moss pilotait à la limite, Jenkinson lisait les notes en rythme — une partition jouée à 160 km/h de moyenne.


Une performance inégalée

La performance de Moss et Jenkinson demeure à ce jour inégalée dans l’histoire des Mille Miglia. Non seulement leur vitesse moyenne reste un record, mais leur victoire fut obtenue face à une concurrence redoutable, dans des conditions extrêmes, sur plus de 1 600 kilomètres à travers les paysages italiens, de Brescia à Rome et retour, en passant par des cols de montagne, des traversées de villes, des routes en pavés ou en terre.

Fait rare dans l’histoire de la course automobile : cette victoire ne fut pas qu’un exploit mécanique, elle fut aussi un triomphe intellectuel, stratégique et humain.


Une voiture légendaire

Le châssis portant le numéro 722 est aujourd’hui exposé au Musée Mercedes-Benz à Stuttgart. Il arbore toujours son grand numéro rouge, et même le volant à trois branches original utilisé par Moss, reproduit à l’identique. En 2005, pour le 50e anniversaire de sa victoire, Sir Stirling Moss avait apposé un dernier hommage sur la carrosserie argentée : « We did it together – thanks and affection. » – Nous l’avons fait ensemble – merci et affection.

Jusqu’à sa mort en 2020, Moss resta étroitement lié à « sa » SLR. Dans le court-métrage « The Last Blast », on voit la 722 traverser Londres, comme une ombre argentée saluant une dernière fois son plus illustre pilote.


Une année inoubliable

1955 restera une année exceptionnelle pour Mercedes-Benz. La marque domina la saison d’endurance avec la 300 SLR, remportant notamment la Targa Florio avec Stirling Moss au volant et le Championnat du monde des voitures de sport. En Formule 1, Juan Manuel Fangio, coéquipier de Moss, s’offrit un nouveau titre mondial avec la W196 R. Mais cette année fut aussi marquée par l’accident tragique du Mans, où Pierre Levegh perdit la vie avec 83 spectateurs. Mercedes-Benz avait toutefois déjà prévu de se retirer de la compétition à la fin de la saison, afin de concentrer ses efforts sur les modèles de série. La 300 SLR n’aura couru qu’une seule saison. Mais quelle saison !

Soixante-dix ans plus tard, le bruit des échappements latéraux, l’audace de Stirling Moss, la précision chirurgicale de Denis Jenkinson et la perfection mécanique de la 300 SLR résonnent encore comme une ode à la course automobile. Plus qu’une victoire, cette Mille Miglia fut un chef-d’œuvre de vitesse, d’ingéniosité et de courage. Un moment suspendu dans le temps, à 160 km/h de moyenne.

Photos : Mercedes Media

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