Mercedes-Benz 500 E – La plus envoûtante des W124
Stuttgart, fin 1990. Dans les allées feutrées du Mondial de l’Automobile de Paris, une berline grise attire les regards discrets des connaisseurs. Rien d’ostentatoire, pas de ligne tapageuse ni d’aileron spectaculaire. Pourtant, derrière cette silhouette sage se cache un véritable loup dans la peau d’un agneau : la Mercedes-Benz 500 E, la berline haute performance la plus redoutable de la série W124 — et sans doute l’une des plus emblématiques de toute l’histoire de la marque.
La sagesse des apparences
Pour l’œil non averti, la 500 E ressemble à une paisible Classe E. Une voiture de cadre supérieur, sobre et statutaire, taillée pour la rigueur allemande et les longs trajets autoroutiers. Mais pour les passionnés, quelques indices trahissent sa véritable nature : des ailes subtilement élargies, une assiette abaissée de 23 millimètres, des pneus généreux en 225/55 R16 et un regard affûté, accentué par un spoiler avant discret. Rien de plus. Et c’est précisément là que réside son charme : une allure de sage, une âme de sportive.
Sous son capot sommeille un monstre mécanique : un V8 atmosphérique de 5.0 litres (moteur M 119), développant 326 chevaux. Ce bloc, issu de la 500 SL R129, propulse la berline de 0 à 100 km/h en seulement 5,9 secondes, et la catapulte à une vitesse de pointe électroniquement limitée à 250 km/h. En 1990, de telles performances plaçaient la 500 E au niveau des meilleures GT du moment — tout en offrant quatre places, un grand coffre et le confort légendaire de Mercedes-Benz.
La touche Porsche : un secret de fabrication bien gardé
Si la 500 E fascine autant aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle est née d’une collaboration hors norme entre Mercedes-Benz et Porsche. À la fin des années 1980, les ingénieurs de Stuttgart souhaitent loger un V8 dans la berline W124. Mais entre le développement simultané du roadster SL R129 et de la Classe S W140, les ateliers de Mercedes-Benz sont saturés.
La solution ? Faire appel à un voisin de prestige : Porsche, dont l’expertise en châssis et en mise au point sportive n’est plus à prouver. Dès 1987, le constructeur de Zuffenhausen reçoit la mission de développer et d’assembler la nouvelle berline haute performance. Les éléments de carrosserie sont fabriqués à Sindelfingen, assemblés et ajustés chez Porsche, peints à nouveau chez Mercedes-Benz, puis renvoyés à Zuffenhausen pour l’assemblage final. Une véritable danse industrielle entre les deux géants allemands.
Cette coopération donne naissance à une automobile d’exception, produite artisanalement, presque à la main. Sur les plus de deux millions de W124 fabriquées, seules 10 479 unités virent le jour entre 1991 et 1995 — 500 E, E 500 et E 60 AMG comprises.
Un héritage technique et spirituel
La 500 E s’inscrit dans une tradition chère à Mercedes-Benz : celle de greffer un moteur de haut calibre dans une berline de taille moyenne. Déjà dans les années 1960, la 300 SEL 6.3 (W109), équipée du fabuleux V8 de la limousine 600, a bouleversé le monde de l’automobile en alliant luxe et performances de sportive. Avec la 500 E, Mercedes-Benz renoue avec cette philosophie, tout en la modernisant grâce à l’électronique et à l’ABS, sans oublier le système antipatinage ASR, gage de sécurité et de maîtrise.
Le moteur M119, pièce maîtresse du projet, se distingue par une architecture à quatre soupapes par cylindre et un système d’injection Bosch LH-Jetronic à gestion électronique. Le bloc, légèrement abaissé pour s’intégrer sous le capot, repose sur un châssis affûté et un freinage surdimensionné emprunté à la 500 SL R129. Même la batterie est déplacée dans le coffre pour parfaire la répartition des masses.
Un chef-d’œuvre d’équilibre
La presse spécialisée, habituellement sévère, tombe sous le charme. En 1990, le magazine auto Motor & Sport vantait un confort et une tenue de route inédits pour une berline de ce calibre. Deux ans plus tard, Road & Track saluait « une magnifique berline haute performance, basse, imposante, mais sans ostentation ».
Le secret de la 500 E réside dans ce mélange parfait entre puissance brute et élégance silencieuse. Une voiture capable d’abattre les kilomètres à rythme soutenu, tout en enveloppant ses occupants dans un cocon de cuir et de silence. Elle n’est ni une sportive tapageuse ni une limousine ostentatoire, mais un compromis idéal entre les deux.
E 500 Limited
En 1994, au Salon de Genève, Mercedes-Benz présente la E 500 Limited, ultime hommage à cette berline d’exception. Produite à seulement 500 exemplaires, elle se distingue par sa finition exclusive et ses teintes spécifiques — noir saphir ou argent brillant. L’année suivante, la production prend fin, marquant la fin d’une époque.
La 500 E a ouvert la voie à une nouvelle génération de berlines de hautes performances, une lignée que les modèles AMG poursuivront avec brio.
Une légende née discrète
Aujourd’hui encore, 35 ans après sa présentation, la Mercedes-Benz 500 E continue de fasciner. Véritable icône du savoir-faire allemand, elle symbolise l’âge d’or de l’ingénierie mécanique, lorsque la performance se conjuguait avec élégance et robustesse.
Photos : Mercedes Media









